L'embellie Pat Ryckewaert
À propos de "l'Embellie" de Pat Ryckewaert.
« Il s’est passé du temps
Et puis les oies sauvages sont revenues
Et avec elles les aubes claires et tous les ciels de promesses »
« Et l’enfant dans l’homme pleure »
Je me souviens de ma terrible et inassouvie décision, ce désir d’enfanter,
De tout mon ventre à moi.
« Je suis la femme à la tête de cerf
Et au corps chargé de sève »
« Et les hommes en embuscade dans leurs habits de poussin »
« Des mots à la bouche en forme de cri
Et aux bras immenses pour porter le monde
Et toutes tes craintes »
C’est ainsi que je chantais jadis,
Je chantais le cri
Et ma volonté de changer le monde
En le portant sur les fonts baptismaux
D’une vraie renaissance
Une véritable naissance
En cet âge de fer et de sang
« Demain sera l’embellie et le temps si clair de l’envol »
Je vois cet âne mort voguer sous les étoiles, et qui ne pèse plus. Des maisons tapies dans l’ennui aux angles acérés, balbutier leurs sérénades insipides et glorieuses. L’ermite est de retour à sa grotte, le monde cogne à sa porte, ce monde qu’il ne sauvera pas, mais qui est sa seule patrie, son seul terrible remords. Il ne pleure pas, il ne pleure plus. Il rit. Puisque plus rien à présent ne peut l’atteindre. Au plus vif de lui-même.
Œuvre tonitruante, œuvre blessée, l’Embellie nous rend beaux puisque la beauté est communicative. Meilleur partage des chances au large, grand large, des déception acides, à conduire calmement jusqu’au bercail des illusions.
Nous remontons du rivage
Avec nos socquettes blanches
Tachées de cirage
Et de sang
C’est dimanche
L’Embellie me comble, l’Embellie me gronde, me réprimande, me laissant pantelant avec le simple désir de fuir. Mais je ne fuis pas et ne fuirai pas. Je ne peux résister à l’indicible présence de ces agencements subtils de mots dansant en sarabandes sous le fier clocher de la déconvenue. Avec le coq tonnerre de l’aube qui s’écrie : Paix, Joie, Embellie.
Lucide, Embellie.
©dominique ottavi