Poisson
Poisson était bonhomme
et honorable
du moins tenait-il à le faire accroire
il descendait lentement les escaliers
de sa vie
faisant encore à son goût
beaucoup trop de bruit
mais ne s'en laissait jamais conter
par les caissières du supermarché
où prétendait-il
il ne mettait jamais l'ombre d'un pied
Poisson était fatidique
il croyait au Destin
à ses pompes, à ses oeuvres
qu'il domptait parfois au Chambertin
histoire de ne pas être de la farce le dindon
ni de la veuve le cancrelat.
Puis vint un jour
(toujours les jours viennent)
c'était l'après-midi je crois
une légère brise éventa,
accoudé qu'il se trouvait à la rambarde de haute volée
tout en haut de l'interminable volée des marches
de l'escalier de la gare,
quelque peu sa chevelure en pagaille
il sentit un soubressaut - dit-il- au fond de sa belle petite âme soignée
indice quarante douze sur l'échelle de Monpère
"Vous comprenez,
c'était merveilleux
et insupportable,
non, pas tout de suite,
mais la brise m'avait déjà envoûté
fait passer sans ménagement sous profits et pertes...
Bref, je ne pouvais plus m'en passer...
Et que je te dise, et que je t'écoute, et que je te parle, et que je te jalouse, et que tu me nécroses et que tu me fais des choses, et que tu me fais, et que tu me fais, et que tu me fais les poches, les vraies, les autres aussi, celles du coeur, et celles d'ailleurs... je ne comprenais plus rien à rien...Bon, je retourne à la mer ! "
Et derechef Poisson
se noya.
© dominique ottavi texte & photo. Tous droits réservés.