Tousser

Tousser n'est pas jouer. J'en connais de plus malins qui n'ont pas eu le nez aussi fin. Il leur appartenait pourtant de mériter leur réputation de fins limiers, mais les fenêtres disparaissaient avant même que de s'entrebailler. Le vieil orfèvre de la rue d'en bas se méfiait depuis longtemps : les évènements lui ont donné raison. A minuit pile on fit sonner le tromblon, ou le basson, je ne sais plus. Ce que je sais c'est qu'ils m'ont emmené, ligoté. Je n'avais rien fait, je le jure, juste émis quelques pensées. Pas forcément profondes, ni intelligentes, ni pertinentes, ni argumentées, non, juste des pensées d'évidence, sans arrière-pensée. Un trou dans la terre. Des chants qui s'éteignent, l'hiver avant l'automne, le chagrin dans sa nasse. Et puis tous ces regrets à balayer. Mais je croyais que tu n'avais jamais de regret ? Non, c'est histoire de dire, de nommer quelque chose qui élance d'une manière régulière au creux de l'estomac. Voilà longtemps que j'ai jeté au panier toute idée de vengeance, tout désir aussi. "Je suis le rêve de mon sang..." chantai-je naguère en épuisant mes dernières forces à aller au bout de la ligne. Comme il fait beau par chez toi ! Comme la vie y est jolie ! Et comme la vie fait des vagues plus hautes et plus profondes que celles de la mer. Ton apparence de courant d'air, tu sais que tu la dois à ta mère, non ? Ou bien tu te moques ?! Après dîner j'irai au bois ramasser les rêves des arbres dans ma gibecière et je rirai jusqu'à l'aube, remontant la colline jusqu'à la clairière.

© dominique ottavi. tous droits réservés